Armés souvent de couteaux, de machettes ou autres armes blanches, des jeunes de 10 à 20 ans, rassemblés en bandes, sèment la terreur à Kinshasa. On les appelle les Kuluna. Comment vivent-ils ? Comment voient-ils leur avenir ? Radio Nederland les a rencontrés dans leur territoire de prédilection, la rue. Ils nous racontent leur vie et nous exposent les raisons qui les poussent à divorcer d'avec la société.

http://www.congovision.com/images/lisusu5.jpg"Les papas et les mamans ne sont pas là, mon papa est en voyage", explique Gino, âgé de 18 ans. Avec ses amis, rencontrés au hasard dans la rue, il passe son temps à intimider, voler, menacer les gens du quartier. Conscient d'être en marge de la société, il assume son statut de Kuluna. "Quand la vie ne vous fait pas de cadeau, vous êtes obligé de trouver d'autres moyens pour survivre."

Proportions alarmantes

Le phénomène Kuluna semble avoir débuté en 2006, à l'approche des élections présidentielle et législatives. Des bandes rivales s'affrontaient avec des machettes et autres couteaux. Puis, les bagarres ont éclaté entre supporters de foot. Ensuite, les bandes ont commencé à voler des câbles électriques, et la violence a pris des proportions alarmantes. Jusqu'à terroriser les habitants des quartiers difficiles, comme par exemple la commune sensible de Ngiri-Ngiri de Kinshasa. La police les arrête mais les relâche souvent peu après.

Si Gino souffre d'un rejet parental, le jeune Papi est devenu Kuluna tout simplement par "suivisme". Sans occupation ni occupation, il s'est greffé à une bande de voyous existante. "Nous sommes des amis et nous ne nous laissons pas faire." Ngundu, quant à lui, est orphelin. Il n'a pas suivi d'école. "On se bat, on ravit, on ramène du butin, on peut manger. Alors on recommence". Tous semblent affirmer qu'ils ne seraient pas Kuluna si la société avait un projet pour eux ou un emploi.

Génération sacrifiée

Est-il dangereux d'être Kuluna ? "Oui, c'est le risque du métier. Mais nous avons besoin de vivre" affirme un jeune. Le phénomène se rencontre le plus souvent dans les quartiers défavorisés de Kinshasa. Les victimes des Kuluna rencontrées reconnaissent que le gouvernement, la société et la famille ont démissionné, ont oublié de s'occuper de leur jeunesse. Les Kuluna ont conscience de faire partie d'une génération sacrifiée.

Projet-pilote

Certains Kuluna veulent néanmoins s'en sortir. Ils peuvent alors frapper à la porte de "Papa Tchula". André Tchulankuku, secrétaire exécutif du comité local de développement de la commune de Ngiri-Ngiri, a mis au point une initiative de réinsertion pour les jeunes Kuluna de sa commune, qu'il a financée lui-même. Il est positif : "Nous avons remarqué que des jeunes ont des initiatives, mais pas les moyens. Avec le peu dont nous disposons, nous allons les encadrer."

Les jeunes sont des volontaires. Ils travaillent par 2 o u 3 et proposent des projets, comme une auto-école, le traitement de la chaîne du froid ou un projet d'encadrement d'autres jeunes. Tchulankuku envisage d'étendre le projet à d'autres communes de Kinshasa. Pour le moment, il préfère attendre pour voir si le projet-pilote réussit et suivre de près ses jeunes. "Je ne veux pas les lâcher. J'attends de ces jeunes qu'ils puissent penser leur avenir. Je leur fais confiance. Je les appelle rarement, mais ils viennent."

 

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